Au sud de Terracina, à mi-chemin de Rome et de
Naples, commence un autre monde. L'univers napolitain,
immuable à travers les siècles. La napolitude.
L'antique royaume des Deux-Siciles, préservé de toute
contamination, parce qu'il est fait de la contamination
d'éléments hétéroclites, de l'amalgame de pays et de
continents disparates. Où sommes-nous ? En Italie ?
En Europe ? Nous touchons à la Grèce, par la sagesse
malicieuse des habitants, à l'Espagne, par l'arrogante
splendeur des palais, à l'Orient, par la magie
des crépuscules, à l'Afrique, par le grouillement des
marchés ; et, par le chaos de la circulation, le gigantisme
des escaliers, la profusion et l'extravagance des
ornements superflus, nous sommes dans l'excès, la
démesure, le délire, le gâchis.
Première chose à retenir : Naples forme une
nation à part, un État dans l'État ; une tribu qui a ses
coutumes et ses lois, et qui ne changera jamais.
Naples n'a pas changé. En cinquante ans, je ne l'ai
pas vue changer. À l'heure où la mondialisation
transforme Venise, Florence, Rome en réserves du
tourisme international et banalise les plus beaux
décors urbains, Naples résiste, Naples garde son
caractère intact, Naples reste elle-même, avec ses
défauts et ses qualités. [...]
Tout le mal qu'on dit de Naples est vrai, tout le
mal qu'on en dit est cliché, lieu commun, banalité,
fausseté : tel est le paradoxe qui rend cette ville entre
toutes mystérieuse.