A la fin de 1951, Picasso s'attaque au grand oeuvre: son monumental diptyque La Guerre et la Paix. Réalisé sur une série de panneaux d'Isorel assemblés, celui-ci épousera les courbes de la voûte de la chapelle de Vallauris. Pour composer son thème, forger le vocabulaire pictural qui portera le sens qu'il entend donner à l'oeuvre, Picasso dessine et dessine. Entre octobre 1951 et septembre 1952, ce sont des dizaines et des dizaines de croquis de recherche et de dessins achevés - 300 au total, qui couvrent les feuilles de trois carnets entiers- révélant de nombreux repentirs. Claude Roy est aux côtés de l'artiste durant cette période. Ils se voient quotidiennement. Le jeune écrivain transcrit leurs dialogues complices sur l'art et l'histoire, mémorise les commentaires de Picasso sur le travail en cours. Il était primordial de conserver intacte l'unité de cette démarche. Les cahiers de dessins furent à l'époque lithographiés par Fernand Mourlot sous le contrôle de Picasso. Pour le plaisir des amis de l'artiste et quelques amateurs de son oeuvre, Cercle d'Art publia en 1954 une très petite série de cet album lithographique. Tous les dessins ont été depuis dispersés à jamais dans une multitude de collections publiques et privées de par le monde, et le dipthyque monumental ne peut être admiré que sur la voûte de la chapelle dont il est solidaire. Soigneusement conservées par l'éditeur, les lithographies de l'époque ont pu être utilisées pour l'édition de cet ouvrage qui permet de donner à voir aux publics actuels ce prodigieux processus de création. Son aboutissement, le dipthyque monumental, est présenté ici sous la forme originelle, avant sa mise en place dans la chapelle de la Paix de Vallauris ou il est impossible de le photographier sans le déformer. En replaçant ce corpus dans la perspective globale de la démarche de l'artiste majeur du XXe siècle, Claude Roy montre la permanence du rapport critique que Picasso entretient avec l'histoire.