« Au nord de Blanquefort, d’Eysines, de Bruges, du Bouscat, il y a la Garonne. Quand le soleil se lève c’est le long serpent jaune des eaux qui s’éclaire en premier... » Ce roman nous raconte la rupture des années soixante, le basculement de la société semi-rurale dans la société industrielle de consommation, celle du rock et de la violence. Cette rupture est peinte à travers deux générations de petits maraîchers de la banlieue ouest de Bordeaux, la plus déshéritée, celle qui confine aux marais. Le dénuement des personnages renvoie aux paysages dépouillés, ce qui n’adoucit en rien leur sort : Armand, le rebelle, qui aime Thérèse la jardinière, choisira de mourir dans ce qui est encore un jardin. Francis Girodineau, l’amant de Catherine, après avoir connu l’amour et la prison et l’amour comme prison, s’accrochera à l’estuaire pour y poursuivre son rêve éveillé. Dans ce roman le symbolisme de la permanence se heurte aux symboles du changement. Curieusement, dans l’estuaire deux fois par jour le courant coule à l’envers. Ce retournement de sens n’est-il pas un message aux riverains, les avertissant que le plus difficile est de survivre aux changements ?