Les diverses métamorphoses de Sonia, son étrange association avec Hugues, les variations complexes de leur relation : tel est, avant tout, le sujet de ce roman. Il est bien difficile de reconnaître dans la dernière image de Sonia l’enfant sauvage, la petite sorcière des premières pages, non plus que la piquante comédienne, la spirituelle coquette qu’elle fut ensuite, ou encore l’amoureuse déchirée par un choix impossible. C’est aussi l’histoire d’une singulière procuration. L’histoire de l’apprenti-sorcier qui perdit le contrôle des forces qu’il avait déchaînées. Car l’évolution de Hugues ne nous importe pas moins que celle de son double, si tant est que l’on puisse dissocier les deux parties de cet être unique. Et pourtant Sonia en viendra à troquer cette association subtile contre un amour bien ordinaire, abandonnant l’univers riche en joies et en fantômes de l’art et du rêve, pour une vie apparemment banale. Abdication ou acceptation adulte de la vie. Il est loisible à chacun de juger à sa guise la décision de Sonia. Les étapes de cette vocation amoureuse nous sont contées par Edgar, témoin immuable, spectateur plus clairvoyant qu’il veut bien nous le laisser croire. Mais Edgar est pudique, et il préfère suggérer. Le lecteur saura deviner ce qu’il ne dit pas. Son amour à lui n’était pas non plus un sentiment banal. Ni simple. Charlotte Crozet, dont on avait pu remarquer déjà une curieuse nouvelle parue dans le Mercure de France, est une jeune romancière qui promet.