Sidonie est femme de ménage. À cinquante ans, elle présente l’aspect d’une vieille, sans âge. Elle boit. Elle se farde. Elle soliloque. On se moque de son aspect clownesque. Voici qu’elle entreprend d’écrire son journal. Dès le début, apparaissent les signes d’un singulier délire : son imagination lui fait don de tout ce que la vie lui a refusé. Vrais ou faux, les souvenirs se mêlent. Elle évoque son passé, ses parents, Hippolyte son mari, Gabriel son fils et Ginette sa belle-fille, Jean-Pierre son petit-fils, son premier amant, les lieux de sa vie. Mais la vérité se perd, s’efface quand elle croit la cerner. Parmi les diverses enfances dont elle garde le souvenir, laquelle est la vraie ? Celle, modeste, de Provence ; celle joyeuse, d’Italie ; celle, somptueuse de Russie ? L’imagination nourrit en elle une haine qui n’est que de l’amour dégradé. Blessée, humiliée, mal aimée, négligée par ses enfants, considérée par ses patrons comme un objet, Sidonie n’existe plus que par sa haine. Aussi, avec ses riches patrons, sa conduite sera souvent monstrueuse : elle les vole, les épie, les espionne, intervient dans leur vie la plus intime. Elle saura l’amour-passion de M. Vaillant, homme vieillissant pour une très jeune femme, Mona ; la solitude de Madame Vaillant, derrière son apparence de bourgeoise comblée ; la liaison de leur fille Elsa avec Claude ; le goût de leur fils Jean pour les garçons. Les aimant, elle cherche à leur nuire : c’est pour elle le seul moyen d’exister. En elle, naît la peur. Peur de la folie. Elle lutte de toutes ses forces, mais peu à peu, elle s’y abandonne. Folie-abri, folie-refuge. C’est la fuite dans le monde du rêve où tout lui sera donné : puissance, gloire, amour, bonté. Michèle Saint-Lô, par le moyen d’un réalisme quotidien, a su faire naître avec cet étonnant personnage qu’est Sidonie, « la folle du logis », une poésie, une magie qui parcourent tout le roman et le conduisent vers le pathétique.