La situation est simple, géométrique, de celles qui ont fait les grandes tragédies, d'Andromaque à Un tramway nommé Désir : Martha a aimé quelqu'un, et ce quelqu'un, aujourd'hui, en aime une autre. Mais, quand cette autre est votre sueur, vous avez matière à vous interroger. Toute cette histoire à réinterpréter qui vous fond dessus, et qui vient de loin !... A moins que les atomes qu'on dit crochus n'attendent, pour éprouver leur force d'attraction, que l'occasion de se repousser - loin, très loin... La perte comme sel de l'existence : de Tchekhov à Woody Allen, le meilleur de la fiction ne passe-t-il pas par cette drôle de contradiction - qui n'en est peut-être pas une ? On retrouve ici la très claire et très trouble magie d'En ce bas monde : la confidence d'une âme qui en dit peu et finit par livrer tout ce qu'elle aurait si bien voulu cacher... l'impression que l'héroïne - et le lecteur à sa suite - ne cesse d'avancer en terrain miné... et cet étrange stoïcisme (une révolte sans phrases) qui nous fait accepter d'un coeur presque tranquille l'échec d'une vie, quand toutes les illusions ont fini par s'envoler.