Ah, la " belle époque " en vérité... A la Villette, chez les joyeux tueurs de bœufs, il faisait bon caresser les juifs à coups de bâton sous la houlette du marquis de Morès, de son acolyte Jules Guérin et du parti antisémitique... Dans les bureaux de la Revue Blanche se négociaient de bien étranges contrats - tel celui par lequel Thadée Natanson vendit benoîtement son épouse Misia à un magnat de la presse riche à millions, grossier et coprophage. Aux Tuileries, par un beau samedi de septembre, on put entendre cliqueter les couverts de vingt-deux mille maires de France invités à banqueter par le Président Loubet : en ce temps-là, pour contrer le péril nationaliste, la République ne lésinait pas ! On vit aussi cent mille Parisiens suivre en chantant le cercueil de la " bonne " Louise Michel - sans se douter que la gauche vivait là son dernier grand moment de ferveur révolutionnaire. La Chambre des députés eut l'heur d'admirer les bottes à ruban et les ongles rosés du prince des dandys, Boni de Castellane - tandis qu'au cœur ténébreux du Niger, un capitaine français, grisé par l'âcre odeur du sang des indigènes, bâtissait un empire éphémère né de sa folie meurtrière. Tragédie de la colonne Voulet-Chanoine... Et l'Amérique, déjà, jouait son double jeu - sauvant nos vignes du phylloxéra par une greffe miraculeuse, pendant que ses frères Wright narguaient nos Blériot et nos Farman. Ce volume est le premier d'une série qui en comportera sept et traversera cent années. Une série d'histoires vraies, quoique souvent effacées des mémoires par la " malignité " du temps qui passe... Le lecteur y découvrira le XXe siècle sous un jour qu'il ne soupçonnait pas.