L'Opéra français de Montréal marque un moment déterminant dans l'histoire culturelle québécoise. Bien que, de 1893 à 1896, son fulgurant succès fut éphémère, cette troupe lyrico-dramatique allait fortement influencer l'avenir des arts de la scène au Québec.
Cet ouvrage fait revivre au jour le jour et comme si on y était l'effervescence de ces années et la vie tumultueuse d'une troupe hors du commun. Plus qu'une énumération de productions, de vedettes et de critiques, plus que l'histoire d'un établissement théâtral, il propose une petite fresque d'un Montréal qui bouge en cette fin du xixe siècle. En effet, la ville s'apprête à sortir d'une grave récession et à raffermir son rôle de métropole du Canada. Des idées contestataires, défendues principalement par les collaborateurs de Canada-Revue, font beaucoup de bruit, si elles ne s'imposent pas. L'École littéraire de Montréal veut coiffer du bonnet rouge la poésie québécoise traditionnelle. Une élite politico-économique canadienne-française s'affirme de plus en plus. C'est cette élite d'ailleurs qui parraine le projet, dans l'espoir de rogner le monopole exercé par le spectacle anglo-américain sur la scène montréalaise. Malgré son échec, cette tentative a marqué profondément les destinées du théâtre francophone au Québec en préparant sa lente autonomisation.