André Major, alors secrétaire aux Éditions du Jour, écrit un jour de mars 1962 au docteur Jacques Ferron, qu’il a déjà rencontré à quelques reprises, et un dialogue s’engage qui se poursuivra deux décennies durant. L’écrivain de vingt ans commence d’abord par s’affirmer d’une manière un peu juvénile pour ne pas trop montrer l’admiration qu’il voue à son aîné, puis une sorte de connivence fraternelle s’insinue dans leurs échanges où, peu à peu, apparaissent des personnages marquants des années soixante et soixante-dix, période qui verra une nouvelle génération d’écrivains s’imposer autour de la revue Parti pris, tandis qu’une première vague terroriste mettra à dure épreuve une révolution prétendument tranquille.
Aux considérations sur la vie et les enjeux politiques qui leur tiennent à coeur se mêlent des projets qui aboutissent, des complots qui font long feu, des conseils amicaux et des recommandations de lecture, car la littérature demeure ce à quoi tout se ramène, en fin de compte, comme si leur vie n’était qu’un prétexte ... la matière même du texte à venir. S’il arrive que l’aîné témoigne à son cadet de la reconnaissance pour avoir contribué à jeter un pont entre lui et la génération montante («Nous règlerons nos comptes plus tard», lui écrit-il), le cadet ne craint pas, sachant qu’il ne le jugera pas, de se confier à celui qu’il considère comme un inspirateur, sinon comme un maître.